Vue de Suresnes, 1886
huile sur toile, 32 x 40 cm, signé en bas à droite.
Cette oeuvre a vraisemblablement été peinte au moment de l’occupation de l’atelier de La Touche à Saint-Cloud. L’artiste, qui expose au Salon des artistes français en 1875 puis à nouveau à partir de 1880, vit à Saint-Cloud dans sa maison-atelier au 31 rue Dailly et se plait alors à peindre son environnement proche dans un souci de réalisme. La signature en majuscules est caractéristique du début de sa production.
Il s’agit d’une peinture à l’huile, précisément datée de 1886, montrant ce qui était alors le village de Suresnes. En effet, cette vue laisse une grande place aux champs qui s’étendent, en partie gauche, sur les coteaux du Mont Valérien. On distingue, à l’arrière plan, un groupement d’habitations qui constituait le bas de Suresnes autour d’une église. La composition est rythmée par la Seine qui serpente dans le paysage et qu’on voit apparaître dans l’angle inférieur droit avec une péniche. En arrière plan, le long de la Seine alors cachée par les arbres, on distingue une série de cheminées d’usines, fumantes. La partie droite, c’est-à-dire l’autre berge de la Seine, est recouverte de végétation, correspondant à l’emplacement du Bois de Boulogne. Deux zones de réserve dans les deux angles inférieurs attestant du statut de l’oeuvre comme étude. Ce tableau montre un état de la ville où l’implantation des bâtiments prend place autour du clocher de l’église Saint Leufroy, détruite en 1906. Le plan cadastral de 1855 conservé aux archives municipales de Suresnes confirme ce parcellaire avec de nombreuses constructions dans le bas de Suresnes. Les usines ont ensuite pris place à partir du milieu du XIXe siècle à la faveur de l’essor industriel de la boucle de la Seine. Le bourg de Suresnes, toujours limité à la partie passe de la ville, grossi encore. La création des lignes de chemins de fer (1839 et 1889), la construction du premier pont en 1841, l’amélioration du réseau routier avec le percement du boulevard de Versailles en 1878, et l’aménagement du fleuve par la construction de barrage-écluses entre 1864 et 1869 puis entre 1880 et 1885 favorisent l’essor de l’industrialisation. A partir de 1860, s’implantent des industries exigeant de grands espaces, souvent polluantes, pour la plupart transférées de Paris. En 1872, on dénombre 19 entreprises sur les quais de Seine. Suresnes compte sur son territoire toutes les grandes catégories d’industries recensées à l’époque en banlieue parisienne : blanchisserie, textile, alimentaire, métallurgie, chimie, pharmacie, papeterie, imprimerie, carrosserie, mécanique. Les industriels deviennent des notables de la ville et supplantent les vignerons. A la veille de la Première Guerre mondiale, les activités dominantes sont l’automobile, l’aviation, la chimie, l’alimentation, l’électronique mais aussi la parfumerie de luxe. Entre 1830 et 1855, blanchisseries et teintureries s’installent en bord de Seine. Ces usines consomment une grande quantité d’eau et de charbon. Les blanchisseries y disposent de vastes terrains pour le séchage du linge à l’extérieur, sur des pieux reliés par des fils de fer, des mâts ou dans des greniers. En 1914, on recense encore une trentaine d’établissements dont peu subsistera après la guerre. Ces premières industries liées au textile font progressivement place à l’industrie automobile à la fin du 19e siècle. L’usine Olibet est l’une des premières industries à s’implanter à Suresnes. Vers 1860, Eugène Olibet importe en France les procédés de fabrication anglais des biscuits secs qu’il est allé étudier sur place. Associé avec le financier Auguste-René Lucas, il lance en 1872 un premier établissement à vapeur à Talence, près de Bordeaux avant d’aménager l’usine de Suresnes en 1879. Située quai Gallieni entre la rue du Port-aux-Vins et la rue du Bac, elle fournit en biscuits la Capitale et la partie septentrionale de la France. L’usine est démolie en 1940 et cède la place à l’industrie métallurgique. La partie haute de la ville restera occupée par les vignes et les champs jusqu’aux alentours de 1920 où les plateaux nord et ouest sont aménagés avec notamment la construction de la cité-jardins.